Le frelon asiatique bientôt maîtrisé ?
Ne l’accablons pas. Le frelon asiatique – Vespa velutina pour les intimes – n’est pas le principal responsable de la surmortalité des abeilles. Pesticides, parasites, champignons, ou dérèglement climatique en furent les premières causes identifiées. Mais cet insecte particulièrement vorace, dont le tiers du régime alimentaire est constitué par les abeilles, introduit en France au milieu des années 2000, est considéré comme un fléau majeur par les chercheurs et les apiculteurs. Mais les abeilles ne sont pas ses seules victimes. « Des études ont montré que plus de 150 espèces d’insectes étaient présentes dans les boulettes de proies des frelons, souligne Éric Darrouzet, enseignant-
chercheur à l’Institut de recherche sur le biologie de l’insecte (Irbi) de l’université de Tours. Une seule colonie prélève 11 kg d’insectes sur une année. J’ai calculé qu’à l’échelle d’un département comme la Manche, cela équivaut à 60 tonnes par an. » Parmi ses proies, des insectes pollinisateurs, essentiels à la biodiversité et à la culture. Sans compter sa consommation du sucre des fruits, elle aussi potentiellement préjudiciable aux rendements, ni les dangers qu’il fait courir, par ses attaques, aux cultivateurs, aux professionnels de l’entretien des espaces verts, ou au simple quidam dans son jardin. Autant de bonnes raisons de maîtriser, à défaut d’une éradication illusoire, la population du frelon asiatique.
Le piège fonctionne
Depuis une douzaine d’années, Éric Darrouzet s’est spécialisé dans l’étude du frelon, une spécialisation qui lui a valu l’étonnement de son entourage. « Scientifiquement, c’est une galère. On ne peut l’observer que cinq mois par an, avec, en outre, un protocole de sécurité très strict, du fait de sa dangerosité. Et le frelon ne s’élève pas facilement en laboratoire. Il faut être un peu tordu… » s’amuse-t-il. Ses recherches l’ont conduit à travailler en collaboration avec des laboratoires chinois pour concevoir un piège à frelon grâce à une phéromone sexuelle produite par les futures reines et composée de trois molécules. Elle est destinée à attirer les frelons mâles au moment de la reproduction. En créant un piège qui attirerait le mâle pour le piéger on pourrait limiter la reproduction et, par conséquent, le nombre de colonies. Éric Darrouzet et Yanan Cheng, une étudiante en thèse chinoise, ont procédé récemment à des tests concluants sur le campus de Grandmont. « À Grandmont, il a suffi de quelques minutes pour voir arriver des mâles », explique le chercheur. Avantage de cette solution, seuls les frelons asiatiques seront attirés, et pas les frelons européens, ni les autres insectes. Autre conséquence attendue, la diminution de ces mâles devrait forcer les femelles à des accouplements consanguins, et leur descendance sera, à terme, stérile. Prochaines étapes : tester le piégeage proprement dit et commercialiser un dispositif, ce qui devrait être fait d’ici deux ans.
Les larves de frelons appréciées des Chinois
En attendant la neutralisation du frelon, Eric Darrouzet, qui a installé un rucher dans son jardin pour une observation directe des attaques, dispense, en ce début de printemps, des conseils de précaution. « Les reines sont en train de sortir pour nidifier. Il faut être attentif aux endroits sous abri qu’elles privilégient, mais surtout ne pas intervenir soi-même. Il est préférable de faire appel à des professionnels, mais on peut également nous solliciter. Nous sommes demandeurs de spécimens, sachant que nous nous déplaçons selon nos disponibilités et nos besoins », précise celui qui anime aussi une chaîne YouTube pédagogique sur le frelon. Des techniques d’attaque de ruches spectaculaires aux stratégies de défense de certaines abeilles, en passant par l’alimentation du frelon ou une visite de l’intérieur d’un nid, vous y découvrirez le monde secret des frelons. Le chercheur a d’autres idées : en collaboration avec une entreprise, il travaille en ce moment à la mise au point d’un appareil capable de détruire les nids à la vapeur. Par ailleurs, « les Chinois sont très friands de larves de frelons, qui se vendent assez cher, explique-t-il. J’ai imaginé pouvoir commercialiser des larves qui seraient cuisinées à la française et vendues en Chine. Mais il faudrait pour cela lever les obstacles réglementaires et s’assurer de la qualité sanitaire du produit, ce n’est pas pour tout de suite… » À quand une fouace au frelon de Touraine certifiée ?
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YouTube :
Darrouzet-Frelon asiatique.
Pour prélever des frelons : frelonasiatiqueirbi@gmail.com